Jean-Claude Juncker soutient totalement Pierre Moscovici – Interview a Gianni Pittella
Propos recueillis par Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, correspondant) et Cécile Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen)
L’Italien Gianni Pittella est le président du groupe des sociaux-démocrates (S&D) au Parlement européen, deuxième force politique à Strasbourg. A quatre jours des auditions des 27 commissaires européens, un examen de passage qui s’annonce périlleux pour le collège de Jean-Claude Juncker, M. Pittella met les points sur les « i ». Il dément tout accord avec le Parti populaire européen (PPE), le groupe conservateur, majoritaire au Parlement (auquel M. Juncker appartient), pour que les auditions se passent sans remous. Et il a pleine confiance dans les capacités du Français Pierre Moscovici, pressenti pour le poste de commissaire à l’économie, à passer l’examen avec succès.
On évoque un pacte de non-agression entre votre groupe et celui du PPE pour ne pas rejeter les candidats commissaires. Qu’en est-il?
Je démens formellement, il n’y a aucun accord de ce type. Chaque candidat sera jugé selon une série de critères : sa compétence, sa fidélité aux valeurs européennes, sa moralité, sa capacité à mettre en œuvre le programme esquissé par le président Jean-Claude Juncker.
Cela signifie donc qu’il n’y a aucune entente pour que l’audition de Pierre Moscovici, par exemple, se déroule sans difficulté?
Je n’ai aucun souci par rapport à M. Moscovici. Une analyse très stricte permettra de démontrer ses capacités, sa compétence, sa cohérence avec le programme de M. Juncker et sa fidélité aux valeurs de l’Union.
Dans vos discussions avec lui, M. Juncker s’est-il vraiment engagé à soutenir le candidat français?
Oui. Il a exprimé son soutien total. M. Moscovici représentera notamment la Commission dans les instances internationales concernant ses attributions, comme le G7 et le G20. Et à l’Eurogroupe. C’est le résultat d’une négociation, rude, menée avec M. Juncker, que j’ai rencontré deux fois au cours des dernières quarante-huit heures.
Donc vous craignez toujours une fronde de certains élus conservateurs, notamment allemands?
Je ne passe pas mes journées à mesurer la tension nerveuse des députés PPE mais je suis convaincu que M. Moscovici s’en tirera haut la main. Qu’est-ce qu’une audition ? Une séance de questions destinées à évaluer la personnalité d’un candidat. Et je n’ai aucun doute sur l’autorité, le prestige et l’état de préparation de M. Moscovici. Je défie le PPE sur ce dossier.
Vous avez également des garanties quant à la marge de manœuvre du futur commissaire par rapport aux deux vice-présidents, MM. Katainen et Dombrovskis?
Nous nous battons pour que M. Moscovici puisse avoir le plus grande capacité d’action. Nous sommes confiants : elle est directement liée au programme défini par M. Juncker, qui indique qu’on ne peut avoir la rigueur et la stabilité sans la croissance et l’emploi.
L’engagement de M. Juncker à soutenir le commissaire sur le thème de la croissance est donc totalement sincère?
Ce devra être la bataille de toute la Commission. Au cours des dernières heures, nous avons d’ailleurs obtenu deux précisions importantes sur le plan d’investissement de 300 milliards d’euros que M. Juncker a annoncé en juillet : ce montant sera de « l’argent frais », ne résultant donc pas de recyclages divers, et sera essentiellement de l’argent public.
Si M. Moscovici passe le cap des auditions, tout le monde passe ? Même certains candidats très controversés du PPE?
Je le répète : il n’y a pas d’accord, public ou secret. Notre examen de tous les candidats du PPE sera donc très strict. Le candidat hongrois est effectivement controversé. Le Britannique aussi : nous attendons des propos très clairs de celui-ci et nous n’accepterons pas que les réformes des marchés financiers et bancaires soient arrêtées ou édulcorées.
Vous ne citez pas M. Canete, le prétendant espagnol, parmi les cas problématiques…
Ma liste n’était pas exhaustive.
Partagez-vous la volonté du PPE d’avoir une Commission Juncker suffisamment forte et légitime pour qu’elle se mette rapidement au travail?
La Commission doit commencer à travailler à partir du 1er novembre. Le défi est immense : l’Europe peut mourir à cause de la situation économique et politique très délicate que nous vivons. Il lui faut un leadership courageux.
Photo Laurent Guedon
Lascia un commento